jeudi 30 octobre 2008

Al Atlal Ibrahim Naji [traduction] Sapho, interprète

Al Atlal - Les ruines

Ne cherche pas, mon âme, à savoir qu'est devenu l'amour
C'était une citadelle imaginaire qui s'est effondrée
Abreuve-moi et trinquons à ses ruines
Conte en mon nom l'histoire
Maintenant que mes larmes ont coulé
Raconte comment cet amour s'est transformé en passé et pourquoi il m'est devenu un sujet de douleur
Je ne parviens pas à t'oublier
Toi qui m'avais séduite par tes discours si doux et raffinés
Tendant ta main vers moi
Comme celle que l'on tend
Par dessus l'onde, a celui qui se noie
Et comme la lumière que recherche un errant
Mais où est donc passé cet éclat dans tes yeux
Mon amour, j'avais eu un jour la joie de visiter ton nid
Me voici aujourd'hui oiseau solitaire, roucoulant ma douleur
Tu es devenu suffisant comme un être capricieux et gâté
Tu pratiques l'injustice comme un puissant tyrannique
Mon désir de toi me brûle l'âme et le temps de ton absence n'est que braises cuisantes

Donne-moi ma liberté et brise mes chaînes
Je t'ai tout donné ; il ne me reste plus rien
Ah! Tu m'avais saigné les poignets par tes chaînes
Pourquoi les garderai-je alors qu'elles n'ont plus d'effet sur moi
Pourquoi croire à des promesses que tu n'as pas tenues
Je n'accepte plus ta prison
Maintenant que le Monde est à moi
Il est loin mon bien-aimé séduisant, tout de fierté, de majesté, et de pudeur
Si sûr de lui, comme un roi de beauté et avide de gloire
Exhalant le charme, comme la brise des vallées, agréable à vivre comme les songes de la nuit
J'ai perdu à jamais ta douce compagnie dont le charme rayonnait de splendeur pour moi
Je n'étais qu'un amour à la dérive, un papillon perdu qui s'était approché de toi
Entre nous, la passion était notre messager et l'ami qui avait fait déborder notre coupe
Y a-t-il jamais eu plus enivrés d'amour que nous?
Nous nous étions entourés de tant d'espoir
Nous avions emprunté un chemin au clair de lune, précédés que nous étions par la joie
Nous avons ri comme seuls deux enfants savent le faire et nous avons couru encore plus vite que notre ombre
C'est quand l'ivresse nous quitta que la lucidité revint et que nous nous sommes réveillés
Mais le réveil fut sans illusion
Finis les rêves d'un monde imaginé, voici venir la nuit, ma seule compagne

Et puis voici la lumière qui annonce le jour et l'aube dont le ciel s'embrase
Voila la vie réelle, telle que nous la connaissons, avec ces amants qui reprennent chacun leur chemin
Toi qui veilles en oubliant les promesses, et te réveilles en t'en souvenant
Sache que lorsqu'une blessure se referme, le souvenir en fait saigner une autre
Il faut apprendre à oublier
Il faut apprendre à effacer les souvenirs
Mon bien-aimé, tout est fatalité
Ce n'est pas nous qui faisons notre malheur

Un jour peut-être nos destins se croiseront, lorsque notre désir de nous rencontrer sera assez fort
S'il arrive alors qu'un de nous renie son amant et que notre rencontre soit celle de deux étrangers
Et si chacun de nous poursuit un chemin différent, ne crois pas qu'il s'agira alors de notre choix mais plutôt de celui du destin

Ibrahim Naji

Al Atlal (traduire par "Ruines") un poème d'Ibrahim Naji, une musique de Riad Sunbati magistralement servi par Oum Kalthoum dans sa version originale.

Mais personnellement je lui préfère l'interprétation de Sapho...

mercredi 29 octobre 2008

La volupté... Rainer Maria Rilke



La volupté de la chair est une chose de la vie des sens au même titre que le regard pur, que la pure saveur d’un beau fruit sur notre langue.

Elle est une expérience sans limite qui nous est donnée, une connaissance de tout l’univers, la connaissance même dans sa plénitude et sa splendeur.

Rainer Maria Rilke Lettre IV,
in Lettres à un jeune poète

lundi 27 octobre 2008

vendredi 24 octobre 2008

la Peur... Henri Michaux

Enfin, s’attaquant à l’homme vaincu d’avance, la Peur,

Quand la Peur, au ruissellement mercuriel, envahit la pauvre personnalité d’un homme qui devient aussitôt comme un vieux sac,

Écartant tout quand elle entre, en Souveraine, s’assied et se débraille sur les sièges culbutés de toutes les vertus,

Décongestif unique du bonheur, quand la Peur,

Quand la Peur, langouste atroce, agrippe la moelle épinière avec ses gants de métal…

Oh, vie continuellement infecte !

Le désespoir et la fatigue s’unissent. Et le soleil se dirige d’un autre côté.

Henri Michaux

Difficultés, in Lointain intérieur, poésie/Gallimard, p.135

mercredi 22 octobre 2008

Obscurité antre où tout peut surgir... Henri Michaux



©Sylvaine Vaucher, fractaleSpine


"Obscurité, antre d'où tout peut surgir, où il faut tout chercher.
Sous des peaux, des cuticules, sous une gaine, sous des tôles, des capots, des bordés, des murs, sous des façades,
sous une coque, sous un blindage, tout ce qui compte, ce qui est organes, fonction, ou machine, et ce qui est secret,
est à l'abri de la lumière."

Henri Michaux, Emergences-résurgences.

mardi 14 octobre 2008

... de la rive où j'émiette mon pain. Jean Genet

"Dans tes yeux mes doigts d'osier mes pâles mains
Voient les poissons les plus tristes du monde
Fuir, de la rive où j'émiette mon pain."


Jean Genet

Le pêcheur du Suquet, Poésie/Gallimard, p.81

lundi 13 octobre 2008

vendredi 10 octobre 2008

Bernard Noël - La maladie de la chair [extrait]


Leman bleu, Christine Lavanchy

Vous évitiez ma parole tout en multipliant les tentations capables de briser mon silence.Vous faisiez battre en retraite votre écoute comme s'il vous était possible d'augmenter la profondeur de votre oreille. Vous reculiez devant mes confidences à mesure que, grâce à vous, elles devenaient inévitables et, tant pis pour ma mémoire mise ainsi à l'estrapade par les tiraillements que lui infligeait l'égalité de votre distance et de votre intérêt.

Vous faisais-je peur en mêlant mon coeur aux mouvements de l'aveu ou bien vouliez-vous me faire subir je ne sais quelle épreuve de la glace et du feu?

Vous ne pouviez ignorer ce qu'il m'en coûtait ni ce que j'engageais... Vous accepterez, cette fois, que je reprenne tout pour tenter d'y mettre de l'ordre : tout depuis le début.

Vous me devez cette attention même si, je le sais, vous ne me devez rien - en vérité, vous me la devez parce que vous ne me devez rien.

Vous avez déjà compris que je supplie sous mon air de réclamer.

Bernard Noël,

La Maladie de la chair, Éditions Ombres, 1993.

mercredi 8 octobre 2008

Rose, ô pure contradiction... Rainer Maria Rilke


Rose, o reiner Widerspruch, Lust niemandes Schlaf zu sein unter so viel Lidern.

Epitaphe, Rainer Maria Rilke


Rose, ô pure contradiction, volupté et point de sommeil, sous tant de paupières

traduction Alfred De Zayas

Rose, ô pure contradiction, joie de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières.

(Avis aux polyglottes : si vous avez une traduction personnelle à proposer...)

mardi 7 octobre 2008

Hulton Getty picture collection



Hulton Getty picture collection, 1934

Les mains d'Elsa - Louis Aragon

Les mains d'Elsa

Donne-moi tes mains pour l'inquiétude

Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé

Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude

Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon propre piège

De paume et de peur de hâte et d'émoi

Lorsque je les prends comme une eau de neige

Qui fuit de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse

Qui me bouleverse et qui m'envahit

Sauras-tu jamais ce qui me transperce

Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage

Ce parler muet des sens animaux

Sans bouche et sans yeux miroir sans image

Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent

D'une proie entre eux un instant tenue

Sauras-tu jamais ce que leur silence

Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme

S'y taise le monde au moins un moment

Donne-moi tes mains que mon âme y dorme

Que mon âme y dorme éternellement..

Louis ARAGON

Extrait du "Fou d'Elsa"


samedi 4 octobre 2008

Fractale Tao - Sylvaine Vaucher



photographie, © Sylvaine Vaucher
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)

On regarde le Tao,
cela ne suffit pas pour le voir.

On l'écoute,
cela ne suffit pas pour l'entendre.

On le goûte,
cela ne suffit pas pour en trouver la saveur.

Connaître l'harmonie, c'est saisir le Constant.
Saisir le Constant, c'est être illuminé.

Lao Tseu

L'aventure d'être en vie - Henri Michaux


dessin, Henri Michaux

J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir.

Là est l'aventure d'être en vie.

Henri Michaux in Passages - 1950

vendredi 3 octobre 2008

... Echapper, échapper à la similitude... Henri Michaux


dessin sous mescaline, Henri Michaux

"...Au désir passager d'"assimiler", aux forces pour le maintien de la forme s'oppose immanquablement en moi l'instinct opposé lequel ne peut disparaître.
Echapper, échapper à la similitude, échapper à la parente, échapper à ses "semblables".
Désobéir à la forme
Comme si, enfant, je me l'étais juré.
Une ressemblance interne, ce serait plus excitant à attraper, non par ruse, mais à bras le corps si je puis dire; ce serait aussi plus redoutable.
Qu'est-ce qu'une ressemblance sans dissemblance ?
Un dessin sans combat ennuie.
Il est incomplet. Qui ne le sent ?"

Henri Michaux
Extrait de "Saisir" avec illustrations de sa divine et folle main :
1979 l'entier, dédié à Micheline Phan Kim Chi

Remerciements à Sylvaine Vaucher