lundi 24 novembre 2008

Microcosmos, le peuple de l'herbe

LYRICS:

Look at your feet
This funny world
Full of insane small creatures
And listen to this buzzing chord
Who keenly spreads such strange murmurs
The sound's buzzing, swarming
Sliding beetles, snails, and ladybirds On swarming grubs
On sliding ants
Open your eyes before you die
Sit on the grass Observe and paint
The toad, the wasp, the dragonfly
The sound's buzzing, swarming
Sliding beetles, snails, and ladybirds

Regardez vos pieds
Ce monde drôle
Plein de petites créatures folles
Et écoutez ce choeur bourdonnant
qui étend profondément de tels murmures étranges
le bourdonnement du son, l'essaimage
des scarabées Glissants, des escargots et des coccinelles
Sur des larves essaimantes Sur des fourmis glissantes
Ouvrez vos yeux avant que vous ne mouriez
assis dans l'herbe Observer et peindre
le crapaud, la guêpe, la libellule
le bourdonnement du son, l'essaimage
des scarabées Glissants, des escargots et des coccinelles



vendredi 21 novembre 2008

Promesse aux « Moineaux » Emily Dickinson


Cher Mr. Bowles ,

La victoire vient tard,

Abaissée vers des lèvres froides

Trop saisies par le gel

Pour s’en soucier !

Quel goût exquis elle aurait eu !

Fût-ce une goutte !

Dieu était-il si avare ?

Sa table est dressée trop haut pour Nous

À moins de dîner sur la pointe des pieds !

Les Miettes – conviennent à de petits becs -

Les Cerises – aux Grives –

Le goûter doré de l’Aigle – les éblouit !

Dieu tienne Sa Promesse aux « Moineaux »,

Qui de peu d’Amour – savent jeûner !

Emily


Emily Dickinson, vers 1861


jeudi 20 novembre 2008

Louise Labé - Je vis, je meurs ; je brûle et je me noie...



Médaillon, Vienne milieu du XVIe siècle

Sonnet VIII

Je vis, je meurs ; je brûle et je me noie ;
j'ai très chaud tout en souffrant du froid ;
la vie m'est et trop douce et trop dure ;
j'ai de grands chagrins entremêlés de joie.

Je ris et je pleure au même moment,
et dans mon plaisir je souffre maintes graves tortures ;
mon bonheur s'en va, et pour toujours il dure ;
du même mouvement je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour me mène de manière erratique ;
et quand je pense être au comble de la souffrance,
soudain je me trouve hors de peine.

puis quand je crois que ma joie est assurée
et que je suis au plus haut du bonheur auquel j'aspire,
il me remet en mon malheur précédent.

Louise Labé


lundi 17 novembre 2008

Jean-Louis Barrault dans Les enfants du Paradis


Baptiste

"... tout seul, à l'écart,... immobile comme un mannequin de cire,... silencieux, craintif,..., dépaysé, sans défense, lunaire et visiblement « ailleurs »"

"Baptiste répond d'un sourire, comme si la seule expression de
son visage suffisait à exprimer les mots qu'il ne dit pas."


..."c'est tellement simple l'amour."


dans Les enfants du paradis
film de Marcel Carné,
scénario et dialogues de Jacques Prévert

samedi 15 novembre 2008

... Quand... jusqu'à la fin des temps. Christian Bobin

"... Quand on aime quelqu'un,
on a toujours quelque chose à lui dire ou à lui écrire,
jusqu'à la fin des temps."


Christian Bobin

jeudi 13 novembre 2008

Le chant des naufragés J.- M. Maulpoix

Le chant des naufragés

Nous sommes les naufragés de la langue

D'un pays l'autre nous allons, accrochés aux bois flottés de nos phrases

Ce sont les restes d'un ancien navire depuis longtemps fracassé

Mais le désir nous point encore, tandis que nous dérivons

De sculpter dans ces planches des statuettes de sirènes aux cheveux bleus

Et de chanter toujours avec ces poumons-là:

Laissez-nous répéter la mer

N'intentez point de procès stupide au grand large

La mer, accrochée à la mer

Tremble et glisse sur la mer

Ses mouvements de jupe, ses coups d'épaules, ses redondances

Et tout ce bleu qui vient à nous sur les grands aplats de la mer

Nous aimons la manière dont s'en va la barque

Se déhanchant d'une vague à l'autre, dansant son émoi de retrouver la mer

Et son curieux bruit de grelot

Quand la musique se déploie sur l'immense partition de la mer

La mer se mêle avec la mer

Mélange ses lacs et ses flaques

Ses idées de mouettes et d'écumes

Ses rêves d'algues et de cormorans

Aux lourds chrysanthèmes bleus du large

Aux myosotis en touffes sur les murs blancs des îles

Aux ecchymoses de l'horizon, aux phares éteints

Aux songes du ciel impénétrable

La mer est un ciel bleu tombé

Voici longtemps déjà que le ciel a perdu ses clefs dans la mer

Sous quels soleils désormais nous perdre?

Sur quelle épaule poser la fièvre de notre tête humide?

Nos rêves sont des pattes d'oiseaux sur le sable

Des fragments d'ongles coupés à deux pas de la mer

Nous brûlons sur la plage des monceaux de cadavres

Puisque tels sont les mots avec leurs os et leurs fumées

[...]

J.-M. Maulpoix

Extrait de poème in "Dans l'Interstice", © éd. Fata Morgana, 1991.

samedi 8 novembre 2008

"Tavalod è-digar"— Autre naissance,Foroukh Farrokhzâd

Forough Farrokhzad est née à Téhéran en 1935 et morte accidentellement en 1967, À 27 ans (1962), elle réalise un film intitulé "Khane siah ast" (La maison est noire) dans la léproserie de Baba Baghi, près de Tabriz, et adopte le fils d'un couple de lépreux.

Forough Farrokhzad est une des plus belles voix de la poésie iranienne. Sa vie même, - autant que son oeuvre -, l'a rendue célèbre. C'est la première poétesse iranienne contemporaine à s'exprimer en tant que femme avec le courage que cela implique. Son oeuvre la plus importante a pour titre Une autre naissance.

Biographie lu sur pierdelune : http://www.pierdelune.com/farrok.htm

"Tavalod è-digar" — Autre naissance

Tout mon être est un verset de l'obscurité

Qui en soi-même te répète

Et te mènera à l'aube des éclosions et des croissances éternelles

Je t'ai soupiré et soupiré

Dans ce verset je t'ai, à l'arbre, à l'eau et au feu, greffé.

La vie peut-être

Est une longue rue que chaque jour traverse une femme avec un panier

La vie peut-être

Est une corde avec laquelle un homme d'une branche se pend

La vie peut-être est un enfant qui revient de l'école

La vie peut-être c'est allumer une cigarette

dans la torpeur entre deux étreintes

Ou le regard distrait d'un passant

Qui soulève son chapeau

Et à un autre passant, avec un sourire inexpressif, dit : "Bonjour."

La vie peut-être est cet instant sans issue

Où mon regard dans la prunelle de tes yeux se ruine

Et il y a là une sensation

Qu'à ma compréhension de la lune et ma perception des ténèbres je mêlerai.

Dans une chambre à la mesure d'une solitude

Mon coeur

A la mesure d'un amour

Regarde

Les prétextes de son bonheur

Le beau déclin des fleurs dans le vase

La pousse que dans le jardin tu as plantée

Et le chant des canaris

Qui chantent à la mesure d'une fenêtre.

Ah...

C'est mon lot

C'est mon lot

Mon lot

C'est un ciel qu'un rideau me reprend

Mon lot c'est de descendre un escalier abandonné

Et de rejoindre une chose dans la pourriture et la mélancolie

Mon lot c'est une promenade nostalgique dans le jardin des souvenirs

Et de rendre l'âme dans la tristesse d'une voix qui me dit :

"Tes mains

Je les aime".

Mes mains je les planterai dans le jardin

Je reverdirai, je le sais, je le sais, je le sais

Et les hirondelles dans le creux de mes doigts couleur d'encre

Pondront.

A mes oreilles en guise de boucles

Je pendrai deux cerises pourpres et jumelles

Et à mes ongles je collerai des pétales de dahlia.

Il est une rue là-bas

Où des garçons qui étaient de moi amoureux, encore

Avec les mêmes cheveux en bataille, leurs cous graciles

et leurs jambes grêles,

Pensent aux sourires innocents d'une fillette qu'une nuit

le vent a emportée avec lui.

Il est une ruelle

Que mon coeur a volée aux quartiers de mon enfance.

Volume en voyage

Sur la ligne du temps

Volume qui engrosse la sèche ligne du temps

Volume d'une image vigile

Qui revient du festin d'un miroir

Et c'est ainsi

Que l'un meurt

Et que l'autre reste.

Au pauvre ruisseau qui coule dans un fossé

Nul pêcheur ne pêchera de perles.

Moi

Je connais une petite fée triste

Qui demeure dans un océan

Et joue son coeur dans un pipeau de bois

Doucement doucement

Une petite fée triste

Qui la nuit venue d'un baiser meurt

Et à l'aube d'un baiser renaît.

Foroukh Farrokhzâd (1935-1967)

poème traduit par: Mohammad Torabi et Yves Ros