mercredi 31 décembre 2008

Le monde vacillant


Château de Montferrand

photographie, Laurence Le Corre
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Le monde vacillant

Plus de masque / déchirement
Aiguë cette pointe acérée/ martellements brefs et répétés
cris d'oiseaux / si haut fusent naturels/ échos
l'infini fragilité d'une subtile retenue
farouchement/ l'hésitation flanche
Sans bruit/ l'éclosion brutale
têtue/ une fourmi vous parcourt
le parchemin se défroisse
cependant reste flou/ demeure illisible/ mentalement
l'écorce se dénoue
les lueurs sont-elles ailleurs?
précisément/ infailliblement
l'évidence vous étrangle/ aveuglément
la déroute jette ses cailloux
pas à pas

Puis/ vous vous décidez.
Non!

Ce n'est pas une décision!
Rien de mûri/ de construit/ d'élaboré/ rien de tout cela/ RIEN
Juste /Vous
vous enjambez/ vous enjambez le parapet

Au diable les garde-corps/ les garde-fous/ vous enjambez enfin/
ENFIN!

Juste cela
Le paysage est si beau
Ce paysage unique/ solitairement/
solaire

Dans l'écume de votre chute
Le Monde vacillant/ ... s'étourdit

Estelle C.

mercredi 24 décembre 2008

La roue tourne


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photographie, © Sylvaine Vaucher

Le lierre

Le lierre

Saveur d'une fraise sous la dent
Un éclat groseille
Stupeur dans l'orbe
Une apesanteur arrachée
Sous l'ombre un insecte encore farouche
La cachette du silence soudain
La herse se lève
Les éperons du doute ne blessent plus
Sous le tranchant d'une aile, un frisson
L'altitude poudroie
Les mots se givrent
Les mots fondent
Les volets restent clos
Souriant à peine le cours d'eau égraine ses galets
Se déchirent les rideaux oublieux d' anciens tourments
S'émiettent sous la bourrasque leur trame
Tombent en poussière les questions
Croque, dévore le sablier, tout l'espace
Menottée, le lierre t'envahit

Estelle C.

dimanche 21 décembre 2008

samedi 20 décembre 2008

De la tendre compassion des chats

photographie © Sylvaine Vaucher
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De la tendre compassion des chats

Ils nous invitent à l'énigme. Ne donne-t-on sa langue au chat ?

J'aime par dessus tout, quand nous fixant,

ils baissent lentement les paupières,

pour l'offrande vive, renouvelée, de leurs yeux plein de lumière,

communication silencieuse de leur présence dans la distance préservée,

compréhension tacite de ma solitude dans leurs muets ensorcellements,

nimbes de compassion.

Estelle C.

vendredi 19 décembre 2008

La lettre, Léo Ferré


La lettre,

Ton ombre est là, sur ma table, et je ne saurais te dire
Comment le soleil factice des lampes s'en arrange
Je sais que tu es là, que tu ne m'as jamais quitté, jamais
Je t'ai dans moi, au profond, dans le sang, et tu cours dans mes veines
Tu passes dans mon cœur et tu te purifies dans mes poumons
Je t'aime
Je te bois, je te vis, je t'envulve et c'est bien
Je t'apporte, ce soir, mon enfant de longtemps, celui que je me suis fait, tout seul,
Qui me ressemble, qui te ressemble, qui sort de ton ventre, de ton ventre qui est dans ma tête
Tu es la sœur, la fille, la compagne et la poule de ce Dieu tout brûlant
Qui éclaire nos nuits depuis que nous faisons nos nuits
Je t'aime
Je t'aime
Il me semble qu'on m'a tiré de toi et qu'on t'a sortie de moi
Quand tu parles, je m'enchante
Quand je chante, je te parle
Nous venons d'ailleurs, tous les deux. Personne ne le sait
Quand je mourrai, tu ne pourras plus vivre que dans l'alarme
Tu n'auras plus un moment à toi
Tu seras mienne, par-delà le chemin qui nous séparera
Et je t'appellerai
Et tu viendras
Si tu mourais, tu m'appellerais
Je suis la vie pour toi, et la peine, et la joie, et la Mort
Je meurs dans toi, et nos morts rassemblées feront une nouvelle vie, unique, comme si deux étoiles se rencontraient
Comme si elles devaient le faire de toute éternité, comme si elles se collaient pour jouir à jamais
Ce que tu fais, c'est bien, puisque tu m'aimes
Ce que je fais, c'est bien, puisque je t'aime
A ce jour, à cette heure, à toujours, mon amour
Mon amour...

Léo Ferré

jeudi 18 décembre 2008

A tue-tête

Grenades, les mots éclatent, explosent ;
parfois, ils ont la couleur du fruit
désaltérant suscitant d'autres soifs,
exaltant la friction des échanges,
l'émotion du partage.

D'autres portent en eux des lames qui blessent,
des fragments de miroir déformant,
nous font porter des habits qui ne sont les nôtres,
nous ridiculisent, nous jugent, nous défigurent.

Ces mots tels des barbelés viendront s'interposer
entre qui les a posé et qui les a reçu ;
vilain hochet s'agitant dans notre mémoire,
avec un bruit intolérable.

....Faire attention à la prégnance des images,
même si nos intentions étaient tout autre.

Nous sommes un champ de bataille.

En sortant de leur tranchée,
mes mains ont mis tes cheveux en bataille,
c'est de douceurs qu'elles reviennent,
une baïonnette sur la poitrine.

Dégoupiller tous les mots,
ceux qui lacèrent, ceux qui étreignent,
leur tirer la langue à bout portant,
les gracier de trop longues peines.

Le lui dire, enfin!

Te le dire, ce trésor par toi déterré.

Estelle C.



mardi 16 décembre 2008

contre-coup kaléisdoscopé


contre-coup kaléisdoscopé, Estelle C.
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Tea for you too

Le froid te prend les mains,
se pose sur tes oreilles, te saisit le nez.
Au bord ourlé du petit bol,
palpite une tiédeur sur ta bouche,
reflet de ton sourire sur la langue, sous la peau,
infusion de nos effeuillements,
me souvenir me morsure.

Estelle C.



dimanche 14 décembre 2008

By this river - Brian Eno



Here we are
Stuck by this river,
You and I
Underneath a sky that's ever falling down, down, down
Ever falling down.

Through the day
As if on an ocean
Waiting here,
Always failing to remember why we came, came, came:
I wonder why we came.

You talk to me
as if from a distance
And I reply
With impressions chosen from another time, time, time,
From another time.

Brian Eno

lundi 8 décembre 2008

Dernier communiqué Morice Benin


Sabine Weiss, 1953


Dernier communiqué

Parce que c'est entre les hommes
Parce que c'est une histoire de fleur rouge entre eux, depuis des siècles
Parce que la vie est belle et désirable, comme un puit dans le ciel

Parce que malgré tout, ce cheval est fou d'amour pour une étoile
Parce qu'il y a une réponse merveilleuse à la mort qui se traduit par cette épaule tendrement inclinée vers la mer
Parce que nul ne peut chasser la main qui vole et le moineau fabuliste de ma mémoire
Parce qu'il reste du cidre à boire dans les auberges de campagne
Parce que tu ne peux t'éloigner un seul instant sans que je sache que l'équilibre du monde est changé
Parce que le ciel qui se rapproche ne m'empêche pas de grandir

Parce qu'il importe d'aimer toutes choses à ta ressemblance
Je ne m'inquiète pas du jour qui va finir ni de ces fleuves dépassés par l'aventure
Non plus, de cet enfant vaincu qui s'achemine à la renverse dans les blés

Je suis certain d'avoir tout fait pour être sauf

Morice Benin

mercredi 3 décembre 2008

Le Chat et le Soleil - Maurice Carême




LE CHAT ET LE SOLEIL

Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta,

Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.

Maurice Carême
In l'Arlequin
Copyright Fondation Maurice Carême,

http://passionchats.free.fr/careme.htm



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