mardi 10 février 2009

Rendez-nous superficiels ! Les clowns lyriques - Romain Gary


Soir bleu, Edward Hopper


« Notre Père qui êtes au ciel, pria-t-il. Permettez-nous de nous élever ! Permettez nous d'accéder à la surface, rendez-nous superficiels ! [...]

Prenez nos plus hautes institutions et faites-nous vivre au lieu de ça en Corse, dans une chanson de Tino Rossi!
Que notre vie ait toute l'élévation de sa voix, toute la variété de ses rimes!
Sauvez nous du blanc et du noir, réconciliez-nous avec le gris, avec l'impur, gardez la pureté pour vous et apprenez-nous à nous contenter du reste!

Rendez-nous le secret du coït simple comme bonjour où l'on ne risque pas de se casser les jambes à force de s'entortiller!
Rendez-nous les clairs de lune, la valse, permettez-nous de mettre genou à terre devant une femme sans ricaner!

Sauvez-nous du ricanement et de l'analyse, sauvez-nous des élites, faites régner sur nous un rêve de jeune fille!

...rendez-nous la sérénade et l'échelle de corde, le sonnet et la feuille sèche entre les pages d'un livre, mettez Roméo et Juliette au Kremlin!

Sauvez-nous du hara-kiri de l'introspection!

Avant de créer de nouveaux Staline et toute la ribambelle de géniaux pères des peuples, écoutez longuement le coeur des hommes et des femmes qui font l'amour : retenez-vous. Laissez-les continuer. Ne les dérangez sous aucun prétexte.

Gardez le génie pour Vous : Vous en avez singulièrement besoin, c'est un homme qui vous le dit. [...]

Ne touchez à rien!
Laissez-nous les couleuvres et les guêpes et les gros rhumes - c'est si bon d'éternuer!
Et si vous devez absolument nous aider, manifestez-vous en nous de temps en temps comme un aphrodisiaque!»

Romain Gary, Les clowns lyriques, folio, p. 109-112


J'adore ce texte, cette prière, il faut en lire ou en entendre l'intégralité.

(j'ai fais un essai d'enregistrement mais Deezer n'affiche plus mes mp3?!!!!...)

Plus jeune, j'étais dans le désir de le rencontrer en lisant "la nuit sera calme", pour son approche du féminin, pour sa féminité, pour ce qu'il montrait de lui, mais il était déjà sous terre, quand je voulus lui écrire, lui parler, échanger.

« Je vais rompre enfin avec celui qui a toujours su que toute oeuvre humaine ne peut être que de l'à- peu-près et qui n'a pourtant jamais pu se contenter de l'à-peu-près. Celui qui a lutté contre les démons de l'absolu et qui n'a pourtant jamais su faire lui-même cette paix avec l'impossible. Qui a toujours su que rien n'est plus ennemi de l'humain que l'extrémisme de l'âme et qui est pourtant lui-même un extrémiste de l'âme »
Romain Gary

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...donc article en cours....

Romain Gary, Danielle Darrieux et Jean Seberg dans "Les Oiseaux vont mourir au Pérou"

Romain Gary, Danielle Darrieux et Jean Seberg dans

"Les Oiseaux vont mourir au Pérou" (SIPA)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Demandez à Mishima ce qu'il pense d'Hara-Kiri. Pauvre Jean Seberg...si à bout de souffle !

sémaphore a dit…

@anonyme,que dit-il d'autre que l'introspection est une forme de suicide, moi je l'ai découvert et apprécie pour la densité de son introspection dans ce livre d'entretiens "La nuit sera calme", il s'est lui-même donné la mort, ces entretiens étalent fictifs mais nul ne le savait à leur publication ni la maison d'édition ni les lecteurs, il se tend à lui-même son propre reflet dans le miroir de sa mémoire, de sa conscience, son humour provocateur a la politesse de son désespoir.
J'aimais sa vision de l'image du christ, se départissant de toute la morale judéo-chrétienne si dévastatrice dans la dichotomie qu'elle instaure entre le corps et l'esprit, pour lui le christ/Jésus était la figure du féminin dans toute son humanité, et il importait dès lors non de le mettre sur un piédestal, telle une icône inaccessible, dans les nues, mais bien d'en faire un homme, de le considérer comme tel, l'exemple à suivre, d'être porté par les mêmes valeurs dans son rapport aux autres et au monde..
Je me souviens aussi des séquoias, de la puissante imprégnation protectrice du regard de sa mère, talisman incorporé contre les épreuves.

Anonyme a dit…

Il n'avait pas peur de se faire mal Gary,à chercher la vérité du monde (ou quelque chose qui s'en approche) jusqu'au nerf, lui si sensible pourtant! les bêtes, leur souffrance le hantait...en Afrique, il était épouvanté par le carnage que faisait ses compagnons de guerre sur les animaux sauvages, il ne comprenait pas...il était mieux qu'humain.