mardi 1 avril 2008

Charles Juliet, Giacometti


Alberto Giacometti

par Henri Cartier-Bresson


Charles Juliet, Giacometti

Silhouettes aiguës, fragiles, maintenues à distance par leur structure filiforme, nous signifiant l’éloignement, la solitude, cette irréductible séparation qui nous coupe de notre semblable.


Visages tellement graves . Effarés. Fixés à l’extrême d’une tension où s’exacerbe ce qui les brûle.

Yeux dilatés par l’angoisse. Par le désir acharné de comprendre, de connaître, de coûte que coûte faire surgir la réponse.

Etres nus, nus, sans défense. Incapables de biaiser, de fuir, de se fermer à ce qui tant les effraie.

Atmosphère tragique. Densité des visages. Instants cruciaux où quelque chose de vital est en jeu.

Force résolue. Contraints au face à face avec ce qui, d’un moment à l’autre , pourrait les terrasser.

Affrontement. Combat. Yeux qui refusent de ciller .

L’extrême fragilité étayée par une force que rien ne fera reculer.

Un homme stupéfié. Terrorisé. Saisi juste avant cet instant où il va s’effondrer.

Peut-être sombrer dans la démence.

Assujetti au temps. Agressé par la vie. Encerclé par la mort.



Mes yeux dévorant ces yeux où s’exaspèrent des questions auxquelles ils me somment de répondre.

Renvoyé en cette région de moi-même où tout n’est qu’appréhension, peur, effroi devant l’énigme.

L’irrépressible montée de l’angoisse.

Mais j’oubliais, j’oubliais. Un homme certes réduit à bien peu. Mais un homme debout. Un homme debout. Dressé par une force quasi surhumaine qui naît une fois vaincue la peur, une fois franchi le désespoir, une fois qu’après bien des épreuves et des luttes a surgi le oui d’un définitif consentement.

Giacometti, P.O.L., 1996, p.67-69

lire aussi sur terres de femmes : Tahar Ben Jelloun, Giacometti. La rue d'un seul
http://terresdefemmes.blogs.com/alberto-giacometti.html

2 commentaires:

Angèle Paoli a dit…

Bonjour Sémaphore,

Je ne me savais pas présente chez vous. C'est à partir du fil Danielle Messia que je suis arrivée aux portes de votre thébaïde. Trois petits coups discrets (dans cette note, les commentaires ne courent pas) pour vous conseiller (si vous ne l'avez pas lu) la lecture du très beau livre de Ben Jelloun sur Giacometti. J'en parlais le 11 janvier dernier.
Amicizia da Capicorsu
Angèle

sémaphore a dit…

@Angèle Paoli, merci pour la trace de votre visite, je suis heureuse d'avoir par ma modeste contribution sur deezer, permis l'écoute sur votre espace de cette poignante chanson de Danièle Messia, qui reste trop peu connue.
Merci également pour votre conseil de lecture, j'ai posé le lien vers votre article dans le message publié ;
Un texte si juste sur la condition humaine perçu dans la détresse d'un regard et cette citation de Giacometti qui le conclue

« Je peins et je sculpte pour mordre dans la réalité, pour me défendre, me nourrir, croître pour mieux me défendre, pour mieux attaquer, saisir, pour avancer le plus possible sur tous les plans, dans toutes les directions, pour me défendre contre la faim, le froid, la mort, pour être le plus libre possible »